Gaëla Blandy

photographe

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Portraits d’ouvriers - Tour Emergence, cours Lafayette Lyon – ITAR Architectures

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Rencontre avec des hommes doux, drôles et sensibles immergés dans le bruit. Cinq jours durant, je photographie des ouvriers œuvrant dans la Tour Emergence Lafayette et le Foyer des Jeunes Actifs, des architectures lyonnaises de l'agence ITAR. Je découvre les hommes, les gestes, l'architecture. Il y a Yvan qui peint les 75 portes d'entrée des appartements du foyer des jeunes actifs. Je le regarde poncer, lisser, essuyer, peindre en blanc immaculé. Le lendemain, je le retrouve devant d’autres portes réalisant les mêmes gestes, tout en patience. Au début, les ouvriers se demandent ce que je fais là, pour qui je travaille. Le premier homme rencontré me dit le sourire aux lèvres : "Ah non, je ne donne pas mon autorisation pour utiliser mon image. Sinon je fais un procès !", "Qu'allez-vous faire de mon image ?" Je raconte les rencontres, le livre à la fin. Au fil des jours, certains hommes viennent me voir : "T'as pas fait mon portrait ! Je travaille sur la porte d'entrée aujourd'hui ! Viens !" D'autres m'entraînent vers leur copain. "Yvan ! T'es où ? Yvan ! C'est la photographe, elle va faire ton portrait." Comme eux, j'utilise une machine. C'est agréable qu'on ait chacun la nôtre. Ils me regardent faire, prendre la lumière avec ma cellule de main. "C'est quoi ça ?" Je leur pose les mêmes questions. J'aime cette réciprocité créée par la présence des machines. Elle déclenche une connivence, une reconnaissance. La tour a 16 étages et le foyer 8. Je parcours tout à pied. J'entends les musiques, les blagues. Je croise des portes avec des jambes. Des têtes qui disparaissent dans des placards. Une amie m'a prêté des chaussures de chantier réglementaires et coquées. Rapidement, je constate que je ne peux plus plier le pied gauche. La rigidité sécuritaire entrave le mouvement naturel de la marche. Les hommes travaillent plus vite que moi. Le temps de sortir mon pied d'appareil, les carreaux sont posés. Comme il me faut du temps pour installer mon cadre, je m'en excuse. Hasan me répond : "J'ai attendu 9 mois dans le ventre de ma mère avant de sortir. Prends ton temps !" Au milieu d’eux et respectée de tous, il y a une femme, Marilou, chef de chantier.

Certains de ces portraits d’ouvriers, ainsi que des portraits d’habitants photographiés dans deux bâtiments parisiens sont parus en 2022 dans le Livre triptyque Density of Lives - édition La Fabrique de l’Épure – ITAR Architectures

© Gaëla Blandy